Un chef des Gardiens de la Révolution expose la stratégie de l’Iran et sa vision d’un nouveau Moyen-Orient
Traduction intégrale d'un entretien télévisé avec Mohsen Rezaei, ancien Commandant en chef du Corps des Gardiens de la Révolution islamique, le 16 juin 2025, au troisième jour de la guerre entre l’Iran et Israël.
Source : YouTube (Partie 1 & Partie 2)
Traduction : lecridespeuples.substack.com
Mohsen Rezaei est une figure politique, militaire et économique iranienne. Il est surtout connu pour avoir dirigé le Corps des Gardiens de la Révolution islamique (CGRI) de 1981 à 1997. Nommé à seulement 27 ans, il a conduit le CGRI durant les années décisives de la guerre Iran-Irak (1980-1988). Titulaire d’un doctorat en économie, il s’est ensuite tourné vers la politique, occupant pendant plus de deux décennies le poste de Secrétaire du Conseil de discernement, organe consultatif du Guide suprême chargé de l’arbitrage stratégique. Rezaei est considéré comme l’une des figures majeures du courant conservateur et de la sphère politico-militaire iranienne. En 2021, il a été nommé vice-président chargé des affaires économiques dans le gouvernement du président Ebrahim Raïssi.
Journaliste : Que la paix soit sur vous, ainsi que la miséricorde et les bénédictions de Dieu. Merci d’être avec nous dans cette émission.
Mohsen Rezaei : Que Dieu vous récompense. Au nom de Dieu, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux. Permettez-moi de commencer par quelques mots à l’adresse de notre cher peuple.
Avant tout, je tiens à exprimer à la fois mes félicitations et mes condoléances. Mes félicitations pour les grandes victoires remportées par notre noble peuple grâce au courage de ses valeureux fils engagés dans les forces armées. Et mes condoléances pour le martyre d’un certain nombre de nos hauts commandants militaires, pour qui le martyre était un vœu ardemment désiré depuis longtemps. J’adresse également mes condoléances aux enfants, aux femmes et aux hommes innocents qui ont été injustement martyrisés.
Par ailleurs, j’exprime toute ma gratitude et ma profonde reconnaissance à notre peuple honorable qui, dans cette période critique, a apporté un soutien sans faille aux forces armées dans tous les domaines, manifestant son adhésion claire à leur riposte à travers une large participation aux rassemblements populaires.
Je remercie tout particulièrement Son Éminence le Commandant suprême, qui a promptement ordonné aux forces armées de défendre la nation et de répondre à l’agression.
Je suis à votre disposition. Si vous le souhaitez, nous pouvons commencer par un rappel du contexte.
Journaliste : Merci beaucoup. Oui. Quelle est l’histoire de nos relations avec l’entité sioniste ? Quels en ont été les épisodes majeurs jusqu’à présent ? Et surtout, qu’est-ce qui a mené à cette récente escalade ?
Mohsen Rezaei : Oui. Comme notre peuple le sait—en particulier les analystes, qu’ils soient iraniens ou étrangers—, depuis le triomphe de la Révolution islamique, nous sommes engagés dans une confrontation politique continue avec l’entité sioniste.
Nous avons toujours considéré qu’une guerre directe contre Israël ne se justifierait que le jour où le monde islamique serait uni, où tous les pays musulmans se rassembleraient pour extirper cette tumeur cancéreuse. C’est pourquoi nous n’avons jamais estimé légitime d’entrer seuls en guerre, sans le soutien des autres nations musulmanes. Nous avons donc adopté une stratégie différente : soutenir le peuple palestinien, être à ses côtés lorsqu’il est attaqué, lorsqu’il est injustement frappé par le martyre.
Même lors de l’agression israélienne contre le Liban [en 1978 et 1982], nous avons envoyé une brigade—non pas pour envahir les territoires palestiniens ni pour engager une confrontation militaire directe avec Israël, mais pour défendre le sol libanais.
Lorsque le gouvernement syrien nous a sollicités dans la lutte contre Daech, nous avons répondu à son appel—alors même que nous étions stationnés à proximité immédiate de Haïfa, à seulement 50 ou 60 kilomètres. Si nous avions voulu faire la guerre à Israël à ce moment-là, nous aurions pu raser Tel-Aviv et Haïfa. Mais notre conviction, hier comme aujourd’hui, est que l’Iran ne doit pas s’engager seul dans une guerre contre Israël.
Et pourtant, malgré cette retenue, c’est Israël qui a déclenché l’agression contre nous. Il a d’abord attaqué notre consulat, provoquant le martyre de notre cher frère, M. Zahdi. Puis, lorsque nous avons riposté, ils ont assassiné M. Haniyeh sur le sol iranien. Et même après les attaques répétées qui ont suivi, nous avons suspendu l’opération « Promesse Véridique 3 » et fait le choix de la sagesse et de la retenue.
Cela démontre qu’en dépit de nos slogans contre Israël et de notre position constante, qui considère cette entité comme une force d’occupation, nous avons toujours fait preuve de retenue, depuis le début de la Révolution jusqu’à aujourd’hui.
Cependant, au cours de l’année écoulée, Israël a engagé avec nous un type de confrontation d’un tout autre ordre, qui a culminé ces derniers jours en ce qui est devenu, de fait, une guerre à grande échelle.
Journaliste : Quelle est votre évaluation du plan et des objectifs d’Israël dans cette confrontation ?
Mohsen Rezaei : En réalité, Israël met en œuvre un plan en plusieurs phases. La première consistait à assassiner nos scientifiques nucléaires. Ils avaient prévu d’autres assassinats de personnalités clés en Iran le samedi suivant, mais notre série de frappes successives a déjoué leurs tentatives. Néanmoins, ils sont parvenus à cibler certains sites, notamment la raffinerie d’Asalouyeh. Je reviendrai plus tard sur notre riposte proportionnée à ces attaques.
Ce à quoi nous faisons face aujourd’hui, c’est une guerre en cours, appelée à se poursuivre dans les semaines à venir. Si Dieu le veut, après une nouvelle défaite écrasante, ils seront contraints de battre en retraite et de se retirer.
Journaliste : À votre avis, pourquoi les États-Unis ont-ils approuvé l’attaque d’Israël contre la République islamique ?
Mohsen Rezaei : Certains aspects de la position américaine—en particulier celle de l’administration Trump—demeurent obscurs. Mais ce qui est devenu évident jusqu’à présent, c’est que Trump a donné son feu vert à Netanyahou pour passer à l’action. Les déclarations de M. Witkoff en apportent également la confirmation.
La raison en est que, lors du sixième cycle de négociations, nous étions sur le point de présenter notre proposition. Mais avant même d’en avoir pris connaissance, ils ont supposé que nous insisterions sur la question de l’enrichissement de l’uranium, et ils ont donc dit à Israël : « Vous devez agir maintenant. »
Je pense que les États-Unis nous percevaient comme étant en position de faiblesse et croyaient qu’un coup décisif suffirait à contraindre l’Iran à capituler. Les événements au Liban et en Syrie ont peut-être renforcé cette impression. Ce qui ressort clairement de cette escalade américaine, en tout cas, c’est que l’attaque israélienne était préméditée—que nous engagions des négociations ou non.
Ce qu’il y a de positif dans tout cela, c’est que la sagesse politique de nos plus hauts dirigeants—en particulier la décision de Son Excellence le Guide suprême d’entrer en négociation—a révélé au monde leurs véritables intentions. Si nous n’avions pas entamé de négociations, ils auraient dit à leur opinion publique : « Nous voulions réformer l’économie et attirer 1 000 milliards de dollars d’investissements, mais on nous en a empêchés. » Aujourd’hui, leurs cartes sont sur la table. Il est clair qui cherche la guerre, et qui cherche la paix.
Ils ont prétendu, à l’étranger, que l’Iran voulait se doter de la bombe atomique, et que c’était pour cela qu’il refusait de négocier. Mais lorsque le Guide de la Révolution islamique a fait preuve de sa sagesse clairvoyante en disant—même indirectement—« Négociez », le peuple iranien a compris que le véritable objectif de l’autre camp était de démanteler à la fois le programme d’enrichissement et le programme de missiles.
En réalité, à la suite de ces actions secrètes et dans le sillage de cette frappe militaire, il est apparu clairement que leurs ambitions allaient au-delà de la simple élimination de nos capacités de missiles et nucléaires. Ils semblaient nourrir d’autres exigences : pour asseoir leur mainmise sur l’Asie occidentale [le Moyen-Orient], ils devaient rallier l’Iran à leur camp. À leurs yeux, l’Iran doit s’aligner sur Israël et les États-Unis pour leur permettre de dominer la région.
Journaliste : À présent, au regard de votre expérience pendant les huit années de la Défense sacrée (guerre Iran-Irak), comment pensez-vous que cette confrontation va se terminer ?
Mohsen Rezaei : Permettez-moi de commencer par expliquer quand l’idée d’une attaque contre l’Iran a commencé à prendre forme. Il y a environ un mois, alors que les événements à Gaza se déroulaient, j’ai perçu—à travers un changement de comportement d’Israël—que Gaza n’était que l’étincelle initiale d’une guerre plus vaste, destinée à s’étendre jusqu’à l’Iran. Environ 25 jours après l’opération « Déluge d’Al-Aqsa », alors qu’Israël poursuivait ses bombardements sur Gaza, ses chars n’avaient pas encore pénétré dans la ville. C’est à ce moment-là que j’ai prévu une extension du conflit vers le Liban, puis la Syrie, avant qu’il ne se dirige vers l’Iran—voire, de manière plus limitée, vers l’Irak.
Pourquoi ? Parce que l’Iran occupe une position que je qualifie de « géographie de l’épée et du trésor ». Il s’agit d’un sommet stratégique : lorsque les grandes puissances y accèdent, elles y brandissent une épée pour régler leurs comptes entre elles.
Regardez les deux derniers siècles. À une époque, les Britanniques et les Tsars se disputaient l’influence en Iran, et nous servions d’instrument de médiation entre eux. Plus tard, les Américains sont arrivés et ont fait de notre pays un outil de conciliation avec l’Union soviétique. Mais depuis la victoire de la Révolution islamique, nous avons refusé que cette épée tombe entre les mains des États-Unis—ou de quiconque. Nous l’avons saisie nous-mêmes.
Quant au trésor : au-delà de ses immenses richesses minérales, l’Iran offre à celui qui le contrôle un pouvoir stratégique sur le pétrole et le gaz du nord, sur ceux du sud, ainsi que sur les ressources internes du pays. Voilà pourquoi l’Iran est considéré comme un carrefour énergétique mondial. Contrôler l’Iran, c’est contrôler l’approvisionnement énergétique de la planète.
Maintenant qu’ils se sont engagés dans cette nouvelle voie, il m’apparaît clairement que les États-Unis—mus par des intérêts économiques et désireux de régler leurs comptes avec la Chine—poursuivent cette trajectoire, de Gaza au Liban, puis à la Syrie, et enfin à l’Iran. Autrement dit : pourquoi Washington souhaite-t-il qu’Israël porte le premier coup, pour ensuite intervenir à l’arrière-plan ? Parce que c’est ainsi qu’il entend imposer, à travers toute la région, les régimes de son choix—comme il l’avait fait à l’époque du Shah. Pourquoi ? Parce que c’est la seule manière, selon lui, de sauver une économie en perdition.
J’ai écrit dans deux ou trois articles récents que la poursuite de la guerre est ce qui garantit la suprématie continue du dollar américain. Parallèlement, une intervention américaine dans la région saperait les efforts de la Chine pour renforcer sa présence significative en Asie occidentale [Moyen-Orient]. En somme, au cours des deux prochaines décennies, nous risquons d’être de nouveau instrumentalisés comme champ de bataille dans le règlement des comptes entre les États-Unis et la Chine—mais cette fois, sur le sol iranien. C’est pourquoi les événements en cours revêtent une importance capitale pour notre peuple, nos forces armées et notre gouvernement.
Nous devons tenir bon. Faute de quoi, nous serons une fois encore entraînés dans les conflits des États-Unis avec la Chine ou d’autres puissances, et nous ne pourrons jamais avancer ni nous élever. Pourquoi ? Parce qu’ils ne veulent pas de l’Iran pour ce qu’il est, ni pour son peuple. Ils le veulent pour des raisons qui leur sont propres.
Journaliste : Alors, sérieusement, quel est l’avenir de cette confrontation ?
Mohsen Rezaei : Nous n’avons aucun avenir sans fermeté, sans résistance, et sans victoire décisive. Trente-cinq années se sont écoulées depuis la guerre [Iran-Irak], et notre pays jouit aujourd’hui d’une sécurité et d’une stabilité complètes. Parce que nous avons tenu bon, résisté et vaincu à l’époque, nous avons assuré la sécurité nationale de l’Iran pour au moins cinquante ans. C’est pourquoi la fermeté est un devoir, et défendre notre avenir justifie tous les sacrifices.
Mais si, Dieu nous en garde, ils parviennent à leurs fins, l’Iran sera confronté à de graves crises dans les dix à vingt prochaines années. Cette guerre est dangereuse. Je le dis sans détour : c’est une guerre dangereuse. Mais avec l’aide de Dieu et grâce aux sacrifices de nos vaillantes forces armées, nous les écraserons une fois encore sur cette terre.
Journaliste : Commandant, quelle est votre évaluation de l’équilibre des forces entre les deux camps ? Que possède l’Iran, et que possède l’entité sioniste ?
Mohsen Rezaei : Voyez-vous, nous faisons encore preuve de retenue. Autrement dit, nous n’avons pas encore utilisé toutes nos capacités. Pourquoi ? Parce que nous devons rallier l’opinion publique mondiale, mais aussi celle de notre propre peuple.
Aujourd’hui, l’opinion réclame des représailles—oui, elle les exige. Mais c’est aussi une responsabilité, et nous devons agir avec discernement. Nous avons la capacité de mener des opérations d’envergure qui pourraient déstabiliser l’ensemble de la région. Et il se peut qu’à terme, nous soyons contraints d’entrer dans de nouvelles phases de confrontation.
Tout comme nous avons commencé avec la « Promesse véridique », vous voyez maintenant que nous utilisons des armements de plus en plus sophistiqués—des ogives à la puissance destructrice accrue. Hier et aujourd’hui, nous avons lancé des missiles dotés d’ogives d’une tonne et demie. Et nous en détenons d’autres, encore plus puissants, capables de provoquer des destructions massives.
Parallèlement, nous observons avec attention la position des soutiens de l’entité sioniste. Feront-ils marche arrière ou non ? Les esprits lucides aux États-Unis et en Europe doivent, au plus vite, retirer leurs dirigeants de derrière l’entité sioniste.
S’ils ne le font pas, la guerre ne se limitera plus à l’armement d’Israël. Leurs avions—qu’ils soient britanniques, français ou américains—pénétreront notre espace aérien et entreront en collision avec nos missiles. Ce serait une phase plus périlleuse du conflit, et nous y sommes préparés. Pourtant, nous nous efforçons de ne jamais être ceux qui engagent l’affrontement—mais nous serons ceux qui le concluront.
Autrement dit, si ce soutien se poursuit, les parties qui l’apportent pourraient se retrouver directement impliquées dans la bataille. Et je considère cela comme une perspective très réelle.
Journaliste : Et si cela se produit, pensez-vous que les rapports de force nous seront favorables ?
Mohsen Rezaei : Oui, absolument. Nous avons des tactiques tenues secrètes. Nous détenons des cartes encore non jouées. Si Dieu le veut, avec Son aide et Sa grâce, nous poursuivrons une politique d’ambiguïté, et nous les surprendrons.
Journaliste : Pensez-vous que nos forces armées ont surpris l’entité sioniste jusqu’à présent ?
Mohsen Rezaei : Oui, oui ! Il suffit d’écouter les propos de l’ambassadeur américain à Tel-Aviv : il a affirmé que, durant une seule nuit, ils ont dû se réfugier dans des bunkers à cinq reprises en quelques heures à peine ! Et leurs propres déclarations le disent : « Nous n’avons jamais connu une guerre pareille dans toute notre histoire—sur le sol de la Palestine occupée. Nous ne nous attendions pas à une riposte de cette nature de la part de l’Iran. »
Et pourtant, nous possédons encore des capacités qui n’ont pas été activées. Si Dieu le veut, s’ils poursuivent leurs attaques, nous les révélerons au moment opportun.
Journaliste : Donc, pour l’instant, nous avons l’avantage.
Mohsen Rezaei : Oui, pour l’instant, nous avons l’avantage.
Journaliste : Hier soir, nous évoquions le déploiement par le régime sioniste de petits drones survolant Téhéran et d’autres régions.
Mohsen Rezaei : En réalité, ce qui s’est produit hier et aujourd’hui fait suite à une première incursion il y a deux ou trois mois : de petits drones ont été introduits clandestinement dans nos forêts, posés sur des toits, y compris à Téhéran. J’invite les habitants de la capitale à inspecter leurs toits… Ils ont ainsi prépositionné plusieurs modèles, des aéronefs activés à distance, programmés pour frapper des cibles précises.
Pour autant, d’après les informations recueillies ce matin, leur stock de bombes à guidage de précision est extrêmement limité. Ils manœuvrent avec parcimonie pour ne pas épuiser leurs munitions : leur seul véritable atout, ce sont ces « bombes intelligentes ».
C’est pourquoi ils en sont réduits à ces engins légers, trop réticents encore à engager des F-15 ou d’autres chasseurs dans notre espace aérien. Ils doivent lancer leurs raids depuis le ciel irakien. Parfois, un, deux, voire trois F-35 percent notre espace pour en ressortir aussitôt.
Nos forces armées, louange à Dieu, restent solides et puissantes. Nous avons jusqu’à présent parfaitement géré la situation ; la guerre s’exécute efficacement. Un jour, peut-être, franchirons-nous le pas, mais c’est une autre affaire. Depuis le début des hostilités, nous avançons pas à pas, avec logique et délibération.
Journaliste : Que signifie pour vous « franchir le pas » ?
Mohsen Rezaei : Cela signifie que nous pourrions aboutir à certaines conclusions appelant des actions ciblées.
Journaliste : Quoi qu’il en soit, les outils dont vous parlez—ces petits drones disséminés et pilotés à distance—ont, par nature, des capacités limitées. Comment imaginer qu’avec si peu de moyens, au cœur d’un pays aussi vaste et pourvu d’un arsenal de missiles aussi considérable, ils puissent soutenir une confrontation ?
Mohsen Rezaei : Notre pays, Dieu merci, est assez immense pour englober vingt nations européennes. Il est vaste, énorme. Dès lors, l’échelle des moyens qu’ils déploient est infime, vraiment dérisoire. Beaucoup de composants sont importés en pièces détachées et assemblés sur place : dissimulés dans des véhicules, à l’image de la contrebande de carburant ou de drogue, car ce ne sont ni des systèmes encombrants ni des structures apparentes susceptibles d’être ciblées directement. Généralement, ces éléments sont acheminés vers des points précis—forêts, zones reculées—, puis montés avant d’être convoyés en camion ou dans des véhicules fermés vers leur lieu d’emploi.
Actuellement, l’Organisation des Moudjahidines du peuple iranien (MEK, exilé en Albanie et en France) coopère à ces opérations. À l’intérieur du pays, cette organisation et d’autres groupes (terroristes) coordonnent leurs efforts : certains de leurs agents, rémunérés en dollars, participent activement au transport de ces pièces.
Journaliste : Vous évoquez aussi le vide que l’entité sioniste a voulu créer en assassinant des responsables du Corps des gardiens de la révolution, avant d’enchaîner d’autres opérations. Or, nous avons vu la force de nos forces armées : en trois ou quatre heures, les postes clés ont été pourvus et la chaîne de commandement réorganisée avec célérité et efficacité. Qu’en ont pensé les populations ? Comment évaluez‐vous la conviction de l’ennemi selon laquelle ce vide l’affaiblirait ?
Mohsen Rezaei : Israël a commis une grave erreur de calcul militaire. Ils ont cru pouvoir nous traiter comme le Hezbollah—alors qu’ils n’ont jamais réussi à démanteler ce dernier. Ils auraient dû tirer les leçons de cet échec.
Regardez les nouveaux dirigeants qui ont émergé : le général de division Pakpour, commandant de terrain exceptionnel, courageux et doté d’une vision opérationnelle remarquable ; Amir Hatami, issu de l’armée régulière, officier expérimenté et intrépide ; M. Mousavi, à la tête du secteur aérospatial ; enfin, M. Mousavi, successeur du général martyr Bagheri à l’état-major, homme d’engagement fidèle aux principes de la résistance.
Tous, bien que provenant de l’armée régulière, coordonnent parfaitement leurs actions avec les Gardiens de la révolution. Les manœuvres ennemies n’ont pas créé le moindre vide structurel ; j’irais jusqu’à dire que, sur certains aspects, nos capacités se sont même renforcées, comme l’ont montré les récents événements.
Voilà mon premier point.
Deuxièmement, nous disposons désormais d’au moins dix échelons supplémentaires de commandants et d’officiers formés, certains issus de la génération ayant combattu pendant la guerre, d’autres ayant acquis une précieuse expérience de terrain au fil des années, notamment dans la lutte contre Daech. Nombre de nos forces ayant combattu en Irak et en Syrie contre Daech ont, à la faveur de ces expériences, atteint le niveau de commandants de guerre chevronnés tels que Hussein Kharrazi et Ahmad Kazemi : de jeunes dirigeants compétents, parfaitement préparés à prendre la tête des forces armées.
L’armée israélienne a commis une grave erreur en ne percevant pas la profondeur de notre structure hiérarchique ni la solidité de notre réserve de cadres prêts à prendre la relève. Cette architecture interne, ainsi que l’évolution organisationnelle de nos forces armées, ont entièrement compensé les éventuelles lacunes. À mon sens, ce défi est déjà relevé. Et, dans un avenir proche, notre cher peuple constatera que ceux qui ont succédé à nos dirigeants tombés au champ d’honneur veilleront à ce qu’aucun déséquilibre ni aucun vide ne vienne entraver la conduite de nos forces armées.
Le haut commandement—sous la direction de Son Éminence, le Commandant—connaît chacun de ces cadres dans les moindres détails. Ils ont été choisis avec soin et discernement. Je suis absolument convaincu qu’aucun vide ne surviendra au sommet de la hiérarchie.
Journaliste : Au vu de la situation actuelle et du contexte de guerre que nous traversons, que doit-on attendre du peuple ? Que doit-on attendre des différentes factions politiques ? Et que doit-on attendre du gouvernement ? Je vous prie d’aborder ces trois aspects séparément.
Mohsen Rezaei : Avant tout, permettez-moi de vous renouveler mes sincères remerciements. Nos ennemis pensaient qu’en déclenchant une guerre et en visant certains sites par des frappes, le peuple se détournerait du régime, et que les factions politiques se lanceraient dans des accusations mutuelles, chacune rejetant la faute sur l’autre.
Mais ce que nous avons observé, c’est que même les opposants à la République islamique—qu’ils soient à l’étranger ou au sein de l’opposition intérieure—, y compris certains déjà interviewés, ont déclaré : « J’ai été emprisonné trois fois, mais aujourd’hui, il s’agit de l’Iran. Et pour moi, c’est l’Iran, et je suis prêt à donner ma vie pour lui. »
Encore une fois, le peuple iranien a prouvé qu’il est le même peuple que celui qui, le 22 Bahman (11 février 1979, date de la victoire de la Révolution islamique), a porté la révolution, soutenu le système, défendu l’Iran et préservé son indépendance nationale.
Je tiens à insister sur ce point : tout comme notre défense héroïque face à l’armée irakienne, brutale et agressive, nous a valu 35 années de sécurité, nous devons aujourd’hui affronter cette nouvelle épreuve avec toute la force dont nous disposons—avec patience, sang-froid et confiance. Car la guerre est pleine d’imprévus et de retournements. Nous frappons, ils frappent. Mais ce qui importe le plus, c’est de traverser les semaines à venir dans la cohésion, la solidarité et l’unité—toutes les factions, tous les pans de la nation, si Dieu le veut—dans la patience et la constance, unis, main dans la main.
L’ennemi mise beaucoup sur ce terrain : plus notre unité nationale est forte, plus il sombre dans le désespoir et la frustration. Il saura alors que les portes de l’Iran lui sont définitivement closes. La voie vers un retour aux ères Qajar et Pahlavi est irrémédiablement condamnée. Le peuple iranien a pris conscience de lui-même et aspire désormais au progrès. Il ne cherche pas l’enrichissement pour faire la guerre, mais pour se développer. Il veut l’indépendance afin de préserver sa sécurité.
Ainsi, si Dieu le veut, nous sortirons victorieux de cette guerre, et l’Iran bénéficiera d’une sécurité durable pour les cinquante années à venir. J’aimerais souligner un point : l’histoire montre que l’Iran a dû affronter une guerre environ tous les 35 ans. Voyez : entre 1320 et 1359 du calendrier solaire de l’hégire (1941 à 1980), près de quarante années ont passé avant qu’un conflit n’éclate. Et aujourd’hui, 35 ans plus tard, une nouvelle guerre survient.
Ce qui compte, c’est que nous en sortions la tête haute.
Après la guerre Iran-Irak, nous avons conservé notre dignité et renforcé notre puissance. Et je vous le dis, peuple d’Iran, fort de ma profonde connaissance des moudjahidines iraniens, tant à l’époque de la Défense sacrée qu’aujourd’hui : nous sortirons de cette guerre infiniment plus forts qu’avant les événements récents. Il n’y a pas l’ombre d’un doute à ce sujet.
Le potentiel encore inexprimé de notre jeunesse s’épanouira avec fierté, et elle vous offrira un Iran plus grand qu’il ne l’était avant cette guerre, si Dieu le veut. Mais la condition, c’est la synergie. La condition, c’est la solidarité.
Journaliste : Sardar, certains estiment que la situation économique actuelle est devenue un fardeau trop lourd à porter pour la population, au point qu’elle pourrait être à bout de patience et d’endurance. Qu’en pensez-vous ?
Mohsen Rezaei : Oui, je le reconnais. Nous avons souffert—et nous continuons de souffrir—en Iran de l’inflation, et nous faisons face à de véritables défis économiques. Cela fait plus de dix ou quinze ans que nous subissons de lourdes sanctions économiques.
Mais c’est la victoire qui ouvre toutes les portes. Ces mêmes Américains, une fois que nous aurons remporté la victoire, viendront à nous avec humilité, implorant d’être autorisés—comme d’autres avant eux—à venir investir ici.
Notre victoire dans cette guerre est donc le passage obligé vers la richesse, vers la production, vers l’ouverture. Toutes les portes nous seront ouvertes. La guerre que nous menons aujourd’hui n’est qu’un goulot d’étranglement, ou un tournant décisif sur le chemin qui mène au sommet. C’est le dernier obstacle à franchir.
Et lorsque nous aurons atteint ce sommet, je vous le promets : grâce à cette victoire, les portes de l’investissement, de la production et de tous les chemins vers la prospérité s’ouvriront à notre peuple.
C’est pourquoi, en tant que soldat de cette patrie, je demande à toutes les factions politiques de cette grande nation iranienne de continuer à soutenir leurs fils dans les forces armées—les Gardiens de la Révolution, l’armée, les forces de sécurité et les Bassidjis—comme elles l’ont fait jusqu’à présent. Si Dieu le veut, nous sortirons tous de cette épreuve la tête haute.
Journaliste : Une fois de plus, les ennemis ont gravement mal calculé. Ils ont tenté de semer la discorde au sein de la société iranienne, en croyant peut-être qu’en cas de guerre, une polarisation verrait le jour—certains soutenant la position du pays, d’autres s’y opposant, notamment face à l’entité sioniste. Mais dès que les événements se sont déclenchés, c’est l’unité qui a prévalu. Tous, quelles que soient leurs appartenances politiques, se sont rassemblés d’un seul élan. L’ennemi ne s’attendait sans doute pas à voir naître aussi rapidement une telle cohésion et solidarité nationales.
Mohsen Rezaei : En effet, ils avaient entendu parler du mécontentement intérieur, de l’inflation, de la hausse des prix, et d’autres problèmes nationaux. Mais ils n’ont pas compris le peuple iranien. Ils n’ont pas saisi qu’il s’agit d’une nation capable de sacrifier quatre ou cinq de ses fils pour le bien de l’Iran. Ils ignoraient tout du caractère de ce peuple. Le peuple iranien soutient sa patrie, se rallie à l’islam, défend sa révolution, et est prêt à consentir de grands sacrifices.
Ils ont réellement cru que s’ils s’en prenaient à nos dirigeants ou à nos scientifiques nucléaires, les gens descendraient dans la rue en scandant : « Arrêtez la guerre ! Capitulez ! Faites ce que l’Amérique vous dit ! » Mais pourquoi, de notre côté, restons-nous optimistes ? Regardez : l’Amérique appelle à des négociations, tout en ordonnant à Israël de frapper. Que cela nous révèle-t-il ?
Cela montre qu’ils ne comptent pas sur la victoire d’Israël. Ils laissent la porte ouverte aux négociations pour ne pas repartir les mains vides si Israël échoue. Cette contradiction même—les États-Unis qui réclament des pourparlers tandis qu’Israël passe à l’attaque—est le signe d’un désespoir profond. Ils n’attendent rien de bon de cette guerre et ne pensent pas pouvoir en sortir indemnes.
Quant à nous, nous ne pouvons en aucun cas nous permettre une telle duplicité. Leur but est de dire ensuite : « Très bien, instaurons un cessez-le-feu, puis négocions. » Mais combien de temps durerait ce cessez-le-feu ? Si Israël entend frapper à nouveau l’Iran dans quelques mois, ou reprendre ses actes de sabotage plus tard, nous ne pouvons pas permettre que notre pays devienne un autre bourbier, comme la Syrie, enlisée depuis un an, deux ans, cinq ans, voire davantage. Il nous faut mettre un terme définitif à ces agressions—avec fermeté, résolution et un engagement total—en nous appuyant sur le soutien populaire qui s’est cristallisé autour de nos forces armées, pour qu’avec l’aide de Dieu, règnent la sécurité et la stabilité dans notre pays pour de nombreuses années.
Journaliste : Quel rôle le gouvernement devrait-il jouer dans ce contexte ?
Mohsen Rezaei : Grâce à Dieu, le gouvernement est à la hauteur et travaille en pleine coordination avec les forces armées. M. Bazrpash (ministre des Routes et du Développement urbain) est en contact permanent avec l’armée, tout comme M. Araghchi (ministre des Affaires étrangères).
Des réunions très constructives ont eu lieu avant l’événement, et des réunions de suivi se tiennent actuellement. Les responsables politiques, les chefs militaires et les forces armées sont tous unis, comme un seul homme.
Jusqu’à présent, M. Bazrpash a fidèlement suivi les traces du Guide de la Révolution. Il garde le même esprit de djihad que dans les années 1970. Nous l’appelons un « combattant de la Défense sacrée », car il était en première ligne pendant la guerre. C’est cette approche bénie qu’il continue de suivre. Aujourd’hui, nous ne formons qu’un seul corps : le ministère des Affaires étrangères, le gouvernement et les forces armées. Cette coordination est une bénédiction inestimable pour la défense de l’Iran.
Journaliste : J’aimerais revenir sur votre expression « l’épée et le trésor ». Si ce conflit se solde par une victoire de la République islamique d’Iran et que l’épée demeure entre ses mains, comment cette épée, désormais plus puissante, modifiera-t-elle l’équilibre des forces ?
Mohsen Rezaei : De nombreux équilibres seront bouleversés. Plusieurs pays de notre voisinage chercheront à établir avec nous des relations sincères et amicales. À mon sens, l’Iran et ses voisins se rassembleront au sein d’une union qui ressemblera, dans une certaine mesure, à l’Union européenne.
À terme, nous adopterons une monnaie commune. Nous bâtirons une alliance avec l’ensemble de nos États voisins. En réalité, je conçois la formation d’une armée islamique unifiée, réunissant l’Iran, la Turquie, l’Arabie saoudite et l’Égypte–les quatre grandes puissances–ainsi que d’autres pays, afin de constituer une force capable d’empêcher les puissances étrangères de nous imposer leur hégémonie.
Naturellement, nous croyons en la nécessité d’établir des relations économiques et commerciales avec tous les pays du monde, à l’exception d’Israël. Nous devons œuvrer à l’essor de la région, à l’image de ce qu’ont accompli les Européens et d’autres.
Tout cela est possible si nous nous unissons, si nous devenons frères et alliés. La clé de cette transformation, c’est la victoire de l’Iran.
Le jour où, si Dieu le veut, nous infligerons une leçon sévère à Israël dans cette guerre, vous le constaterez par vous-mêmes. Même ces derniers jours, voyez ce qui s’est passé : la plupart des États arabes nous ont tendu la main et ont exprimé leur soutien. Le Pakistan a même déclaré publiquement que si Israël utilisait une bombe nucléaire, il répliquerait de la même manière.
Le sentiment musulman s’embrasera dans toute la région comme jamais auparavant. Plus nos positions se renforceront, plus notre peuple soutiendra ses forces armées, et plus nous serons en mesure de franchir ce détroit périlleux pour atteindre l’autre rive, où un océan de progrès politiques, militaires et économiques attend notre nation, si Dieu le veut.
Journaliste : Si Dieu le veut. Et qu’adviendra-t-il alors de l’entité sioniste ?
Mohsen Rezaei : Voyez-vous, notre vision de l’avenir de la Palestine repose sur le retour de tous les Palestiniens—musulmans, chrétiens et juifs—sur la terre de Palestine, où un référendum populaire sera organisé et où ils rédigeront leur propre Constitution.
Au fond, nous croyons toujours à la nécessité d’expulser les (colons) sionistes des territoires occupés par un processus démocratique. Le peuple (autochtone) doit revenir, élire ses représentants, et rédiger lui-même sa Constitution.
Une fois que nous aurons uni nos forces à celles des pays islamiques, après la défaite écrasante qu’Israël subira, je pense que la plupart des sionistes quitteront les lieux d’eux-mêmes, et que les territoires occupés seront restitués aux Palestiniens sans qu’un seul coup de feu ne soit tiré.
Tout dépend de notre capacité à franchir ce cap critique, à atteindre ce sommet et à rallier les nations islamiques à notre cause. Nous devons établir une union des pays islamiques dans la région du golfe Persique. Il ne restera plus un seul sioniste en Palestine occupée : ils fuiront tous, et la terre sera rendue à ses légitimes propriétaires palestiniens, sans guerre.
Journaliste : Le journal Ma’ariv lui-même, à la suite de la récente vague d’attaques de l’opération « Promesse véridique », a reconnu hier soir que l’entité sioniste n’avait jamais, dans toute son histoire, subi de tirs de missiles d’une telle intensité. Je cite textuellement. Le rapport poursuivait : « Où est le Premier ministre ? Où est-il passé ? » Quelle est donc votre évaluation de la situation actuelle du Premier ministre ?
Mohsen Rezaei : Il n’est probablement plus dans les territoires occupés ; il a sans doute été transféré ailleurs. Ce fait à lui seul en dit long sur leur intention de poursuivre.
Permettez-moi d’insister sur ce point : je suis absolument certain de l’issue de cette bataille. Et je parle de cette certitude avec le même espoir que celui que j’exprimais à l’instant, fondé sur une analyse rigoureuse des réalités géopolitiques de la région.
Cela dit, je me rappelle sans cesse, ainsi qu’à mes frères, la nécessité de rester sur nos gardes face à toute arrogance. Oui, nous sommes engagés dans une guerre difficile, mais la victoire qui nous attend est dix fois plus grande que celle remportée lors de la guerre qui nous a été imposée (par Saddam Hussein). L’ampleur et la grandeur de cet accomplissement exigent notre fermeté sur le champ de bataille, et l’anéantissement d’Israël, si Dieu le veut.
Journaliste : Pendant les huit années de la Défense sacrée, ce qui avait été accompli était déjà considéré comme un immense exploit. Et pourtant, vous affirmez aujourd’hui que ce que nous allons accomplir surpassera cela de plusieurs fois… Honnêtement, pourriez-vous nous expliquer l’ampleur de cette différence ?
Mohsen Rezaei : Je l’ai déjà expliqué. Aujourd’hui, nous sommes dans une position qui conjugue le sommet, l’épée et le trésor. Je sais que ces expressions avaient aussi été utilisées pendant la Défense sacrée, mais regardez bien la différence.
Comparez nos capacités actuelles à celles que nous avions à l’issue de la Défense sacrée. Cette victoire nous a permis d’atteindre notre niveau actuel dans les domaines des missiles, des drones, des chars, de l’artillerie, et même des médias. La victoire que nous remporterons sur Israël dans cette guerre transformera profondément le paysage géopolitique de la région. Après cela, ni les États-Unis ni Israël ne seront plus en mesure d’imposer leur hégémonie en Asie occidentale.
Leur défaite ici signifiera leur échec à l’échelle de toute la région, et cette déroute bouleversera totalement les dynamiques régionales au profit de l’Iran. Dès le lendemain de la défaite d’Israël, toutes les formes de relations intermédiaires, ambivalentes ou ambiguës—comme celles que nous entretenons avec des pays comme les Émirats arabes unis, le Caucase ou la République d’Azerbaïdjan—prendront fin.
Les rois et les princes de la région viendront en Iran et nous tendront la main en signe de fraternité—non pas parce que, Dieu nous en préserve, nous nourririons des visées expansionnistes, mais parce qu’ils en viendront à la conclusion qu’il vaut mieux compter sur l’Iran que dépendre de l’Amérique ou d’Israël. L’Iran est leur sœur, et elle souhaite leur progrès.
C’est cela, un véritable basculement géopolitique. La région est en train de se réaligner, tandis que le monde évolue vers un ordre multipolaire—à rebours des efforts américains pour maintenir un système bipolaire. Si nous remportons cette guerre, un monde multipolaire verra le jour. La Chine en constituera un pôle à part entière, la Russie un autre, et nous formerons le nôtre aux côtés des pays arabes et islamiques. L’Europe aussi constituera son propre pôle.
Dans les deux ou trois prochains siècles, le monde sera gouverné par un système à cinq pôles, et non plus par une logique bipolaire. Et où tout cela commence-t-il ? Par la défaite d’Israël dans cette agression contre l’Iran. C’est ici, avec l’aide de Dieu, les bénédictions du Tout-Puissant, et sous la direction de notre Imam Mahdi—que Dieu hâte sa venue—que nous triompherons. Des portes s’ouvriront à notre nation, que beaucoup n’auraient jamais imaginées.
Oui, malgré les difficultés économiques, l’inflation, les épreuves visibles, l’ensemble du paysage changera. Et même si je continue à dire que cette guerre est rude et éprouvante, nous devons tenir bon, si Dieu le veut.
Mon message est le suivant : si nous menons cette guerre avec coopération, compréhension, raison, créativité et prudence—sans précipitation… Oui, je reconnais qu’il y a des voix appelant à une intensification des opérations et des efforts, mais cette guerre doit être conduite avec sagesse.
Et elle l’est, en effet : du commandant en chef des forces armées jusqu’aux officiers sur le terrain, tous participent à la direction de cette guerre. Et ce commandement, si Dieu le veut, nous mènera à une victoire décisive. Nous serons témoins de réalisations qui resteront gravées dans la mémoire collective de la nation.
Journaliste : Et à ce moment-là, où en serons-nous en matière de technologie et de progrès—notamment dans le domaine nucléaire ?
Mohsen Rezaei : Nous continuerons à nous abstenir de poursuivre la fabrication d’une bombe nucléaire. Bien sûr, nul ne sait ce que l’avenir nous réserve, mais nous resterons fidèles à la fatwa de Son Éminence, le Guide, et nous agirons en conséquence. Il faut attendre de voir comment les événements évolueront, mais pour l’heure, nous n’avons pas l’intention de rechercher l’arme nucléaire.
Journaliste : Dans le domaine des médias, qui jouent un rôle central en temps de conflit, la situation actuelle suit une trajectoire bien connue. Ce qui est diffusé sur les divers réseaux médiatiques ou circule dans le cyberespace suscite souvent l’inquiétude de la population, en raison du mélange confus d’informations exactes et inexactes que l’on y trouve.
Certaines personnes ont tendance à croire tout ce qui est dit. Jusqu’à présent, nous avons assisté à une recrudescence de rapports affirmant que diverses personnalités publiques auraient été visées par des frappes aériennes—à Téhéran ou ailleurs—dans le cadre d’opérations menées par nos forces armées sur les territoires occupés. La plupart de ces informations sont entachées de rumeurs et de récits contradictoires—certains exacts, beaucoup faux.
Dans un tel contexte, il est essentiel de gérer la situation—et en particulier le dossier médiatique—afin d’informer la population sur la réalité de ce qui est rapporté. Il nous faut au moins apaiser l’angoisse et la tension du public. Car cela aussi relève de la guerre : les médias sont aujourd’hui un champ de bataille à part entière.
Mohsen Rezaei : Écoutez, Monsieur Khosravi, ces médias sont liés aux élites, aux mouvements politiques, aux factions de tout bord. En tant que soldat dans les rangs du peuple iranien, j’en appelle avec urgence à un débat sérieux sur la nature de cette guerre et sur ses conséquences à long terme.
Pourquoi les négociations ont-elles été interrompues en cours de route, et pourquoi la voie de la guerre a-t-elle été choisie à la place ? Pourquoi ? La question se limite-t-elle au seul dossier nucléaire ? Ou bien celui des missiles est-il également visé ? Et quelle est la prochaine étape ?
Ces questions méritent une analyse approfondie. Si nos élites parviennent à une compréhension stratégique et interprétative unifiée de la nature de cette guerre, ce consensus influencera l’ensemble des médias et des courants politiques.
Notre problème aujourd’hui, c’est que certains continuent de douter de la possibilité même qu’Israël attaque l’Iran. De notre point de vue, ce scepticisme persiste parce que la profondeur du problème n’a pas encore été perçue.
Ils s’imaginent qu’il ne s’agit que d’une affaire d’enrichissement de l’uranium. Mais si la véritable nature de cette guerre était exposée—si l’on comprenait clairement ce que recherche réellement l’adversaire, et pourquoi il a opté pour la guerre alors que les négociations étaient en cours, alors même que l’Iran s’apprêtait à présenter sa proposition—, le tableau serait tout autre.
Quel intérêt l’Iran aurait-il à faire échouer les pourparlers ? M. Araghchi devait justement s'y rendre dimanche pour présenter notre plan de négociation. Il est donc évident que ce n’est pas nous qui avons rompu le dialogue.
Journaliste : Pensez-vous que même si nous avions—hypothétiquement—accepté un arrêt total de l’enrichissement, la guerre aurait quand même eu lieu ?
Mohsen Rezaei : Que nous ayons négocié ou non, ils nous auraient attaqués. Quelle que soit la forme d’enrichissement que nous aurions acceptée… même un enrichissement nul n’aurait rien changé.
L’enrichissement constitue un rempart face aux étapes suivantes. Comme nous le disons entre combattants : c’est une tranchée. Cet enrichissement, en soi, est une forme de résistance. Il s’agit de la première ligne de défense face aux exigences et aux injonctions américaines et sionistes. Nous avons tenu cette position pour empêcher l’ennemi de s’enfoncer plus profondément en Iran. Sans cela, le dossier des missiles aurait suivi. Ensuite, ils auraient cherché à restreindre nos mouvements depuis l’Irak, les pays voisins, voire au-delà. Toute forme de communication aurait été étouffée.
Ils avancent par étapes. Après l’Iran—oui, après l’Iran—ils se seraient tournés vers l’Irak. Et la question irakienne est grave. Ils avaient d’ailleurs longuement débattu de savoir s’il fallait commencer par l’Irak ou par l’Iran. Finalement, ils ont tranché : attaquons l’Iran en premier, l’Irak tombera de lui-même, comme un fruit mûr, sans que nous ayons à nous enliser dans une confrontation directe.
Je ne peux m’empêcher de penser que si nos chers analystes et élites respectées engageaient un véritable débat, sérieux et argumenté—y compris au sein de l’autorité nationale de radiodiffusion (et j’en appelle ici à mon cher frère M. Jebelli [directeur général de l’IRIB] pour qu’il ouvre cette voie)—, nous pourrions très aisément parvenir à un consensus national sur la nature réelle de cette guerre.
Et si nous les vainquons—si Dieu le veut—, un immense horizon s’ouvrira à l’Iran, tant en matière de sécurité nationale que de développement.
Journaliste : Parce que certaines analyses soutiennent qu’en anticipant la fermeté de l’Iran sur la question de l’enrichissement, et son refus catégorique du principe de l’enrichissement zéro, ils ont délibérément fait exploser la table des négociations et déclenché leur agression. Certains ne perçoivent tout simplement pas l’ensemble du tableau.
Mohsen Rezaei : Voyez-vous, l’enrichissement a deux dimensions. La première, c’est qu’il s’agit d’une industrie : pourquoi donc y renoncerions-nous ? Mais surtout, l’enrichissement industriel constitue une tranchée défensive qui empêche l’ennemi de poursuivre son avancée. Et cet aspect-là, malheureusement, est trop souvent négligé.
Journaliste : Selon vous, l’enrichissement est-il un objectif réaliste ?
Mohsen Rezaei : Oui, l’enrichissement est une nécessité réaliste. Si nous ne le maîtrisons pas, nous finirons par devoir dépenser des milliards de dollars pour importer des matières enrichies, que ce soit pour des d’usages médicaux ou de production d’électricité. C’est un fait.
Mais surtout, l’enrichissement est une position défensive qui nous protège d’exigences ultérieures. Si la question s’était vraiment limitée à cela, les négociations auraient pu se poursuivre. Alors, pourquoi ont-ils choisi la guerre ?
Le simple fait qu’ils aient déclenché une guerre prouve que leur objectif dépasse de loin la seule cessation de l’enrichissement. Si tel avait été leur unique problème, nous aurions présenté notre proposition, engagé des discussions et exploré des compromis. Nous aurions peut-être même trouvé une formule intermédiaire sur un point précis.
Mais non. Ils ont rejeté d’emblée le principe même des négociations. Et cela, en soi, constitue une preuve manifeste qu’ils visent bien plus que la fin de l’enrichissement. Ce qu’ils veulent, c’est démanteler la ligne défensive que représente l’enrichissement.
Ainsi, même si nous devions suspendre totalement l’enrichissement, même si nous y croyions, l’acceptions et le signions, ils avanceraient simplement une nouvelle exigence.
Journaliste : Pensez-vous donc qu’en acceptant d’engager des négociations, la République islamique d’Iran ait effectivement ôté aux Américains tous les prétextes dont ils usaient, et qu’ils soient malgré tout revenus à un scénario prémédité ?
Mohsen Rezaei : Exactement. C’est précisément ce que j’ai observé à maintes reprises. Il y a une véritable sagesse dans les décisions prises par Son Éminence le Guide.
J’étais moi-même parmi ceux qui s’opposaient aux négociations—non par entêtement, mais parce que je mesurais la gravité de la situation et considérais la perspective d’une guerre avec le plus grand sérieux. Je disais souvent : même si nous négocions, la guerre est inévitable.
Plusieurs commandants ont trouvé le martyre—certains d’entre eux, que Dieu les prenne en Sa miséricorde, à qui je disais : la guerre est inéluctable. C’est pourquoi je doutais de l’utilité des négociations. Mais aujourd’hui, je saisis pleinement la portée, la clairvoyance et l’efficacité de la sagesse du Guide de la Révolution. Il a percé à jour la situation. Il a révélé les cartes de l’ennemi.
Ils ont désormais prouvé qu’ils n’avaient jamais eu l’intention de négocier sur un pied d’égalité. En déclenchant cette guerre, ils ont ouvertement affiché leurs véritables objectifs. Ils ont mis à nu leurs exigences. Et, ce faisant, ils ont dévoilé leurs intentions profondes.
Aujourd’hui, l’unité de notre peuple, l’accueil extrêmement favorable de l’opinion publique mondiale, le soutien d’autres nations à notre front, et la solidarité entre le peuple et nos forces armées constituent autant d’acquis majeurs.
Cela s’est transformé en une force toujours grandissante. En d’autres termes, la sagesse du Guide de la Révolution a engendré une puissance ascendante au service de la défense de l’Iran.
Journaliste : Très bien. Il nous reste environ deux minutes. Souhaitez-vous ajouter un dernier mot pour conclure ?
Mohsen Rezaei : Oui. Peut-être la meilleure manière de conclure est-elle de dire, ici même : j’espère pouvoir baiser la main de Son Éminence le Guide. Et je lui demande de m’assigner une mission sur le terrain. Vous qui avez revêtu vos uniformes de combat—que Son Éminence m’envoie au front.
Si Dieu le veut, je serai présent sur le champ de bataille, aux côtés de mes frères moudjahidines, en première ligne.
Journaliste : Merci infiniment.
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